(Déclaration du Pr Joseph DJOGBENOU)
1.
Le
développement de l’actualité nationale commande à tous les citoyens béninois
d’être prêts à aller en prison. La démocratie béninoise est réellement
simplement menacée.
2.
Le
vendredi 21 septembre 2012, Monsieur Lionel AGBO, Avocat au Barreau du
Bénin, homme politique et ancien candidat à la présidence de la République, est
interpellé pour des propos qu’il aurait tenus à l’occasion d’une conférence de
presse animée par lui. Cette conférence de presse à laquelle, toute la presse
audiovisuelle avait été conviée, n’a finalement été traitée que par la
chaîne de télévision Canal 3.
Déjà le jeudi 20
septembre 2012, le Directeur de l’office de radiodiffusion et de télévision du
Bénin (Ortb), s’est souvenu, et fort opportunément, que cette chaîne de
télévision émettait à partir d’un domaine et des installations appartenant à
« sa télévision », ce qui, à ses yeux et aux yeux de ses mandants,
l’habiliterait à interrompre la diffusion des émissions de Canal 3. L’argument
commercial étant plus que convenu.
3.
Ainsi
donc, un homme politique est interpellé, non pour avoir pris les armes, mais
pour avoir accompli l’acte politique le plus noble dans une démocratie en
construction : exprimer son opinion.
Une chaîne de
télévision est privée d’émission pour avoir, au fond, servi de moyen
d’expression à cet homme politique et pour avoir osé, avec fréquence et
constance, relayer les opinions que le gouvernement et son chef n’aiment pas
entendre.
4.
L’on ne
s’est plus aperçu, d’une part, que l’acte accompli par Monsieur Lionel AGBO
relevait de l’expression de son opinion, et aussi inquiétante que fut celle-ci
pour le chef de l’État et les « siens », le délit d’opinion n’existe
plus dans la législation béninoise et que même, placé sur le terrain de la
diffamation et de l’offense au chef de l’État, la procédure excluait toute
privation préventive de liberté.
D’autre part,
que le directeur de l’Ortb pour peu qu’il ait « sa télévision », n’a
aucune habilitation, à moins de commettre une voie de fait, pour, proprio motu,
arrêter les émissions d’une chaîne de télévision privée, les organes
juridictionnels et les autorités indépendantes ayant, en vertu de la loi, seuls
prérogative à procéder ainsi.
5.
Ces actes,
relevant des abus pathogènes des pouvoirs contestés et illégitimes, relèvent,
malheureusement d’une banalité inadmissible dans un pays au passé démocratique
héroïque. A l’État de paix, on substitue un État de peur. A la
place de l’État de droit, l’on construit un État de police. La
corruption gangrène tout le système. Les menus fretins exposés ne sont pas
poursuivis, même sur le fondement d’une loi dite de « lutte contre la
corruption » dont on se rend compte qu’elle n’est que stimulant pour la
concussion. Le peuple est insulté au quotidien, intimidé, divisé. Lorsque
l’insulte émane du chef de l’État, au moyen d’expressions grossières et
familières, les thuriféraires considèrent qu’il a « parlé vrai » et
les suppôts du régime prétendent n’avoir rien entendu. S’aperçoit-on seulement
que pour les parents soucieux de l’éducation de leurs enfants, les
interventions annoncées de certaines autorités au sommet de l’État relèvent
désormais du régime familial appliqué aux documents interdits au moins de …
25 ans !
6.
Après les
chars dans les rues, les colonels dans les entreprises, les hommes d’affaires
harcelés alors que les jeunes sont au chômage et les citoyens condamnés à la
pauvreté, les leaders d’opinion sont menacés d’emprisonnement.
7.
En ces
circonstances de déni de démocratie et de mépris du droit, la réponse la plus
vile est la résignation. Chacun doit se dévouer à préparer l’avenir et,
résolument, à considérer que la survie d’un peuple est dans sa force à éviter
de transformer l’erreur en règle. Citoyen libre dans cette République libre du
Bénin, nul ne doit plus craindre l’emprisonnement. Le craindre, c’est se taire.
Et se taire, est bien suicidaire, pour chacun, et pour tous. Lorsque
l’espace public est bâillonné, la prison devient, à bien des égards, un havre
de liberté et le terreau de la résurrection.
8.
Le temps
de la mobilisation pour les libertés a encore sonné. Et il faut prier le Dieu
de ceux qui nous dirige afin qu’il accorde au procureur de la République
l’intelligence nécessaire à l’ouverture d’une procédure régulière contre Lionel
AGBO afin que publiquement, il soit discuté de « l’offense au chef de
l’État », de la corruption au sommet de l’État, de la
concussion ; qu’il soit publiquement jugé aussi bien de la présidence
de la République que de la présence dans la République. Prions, pour
que cette conférence judiciaire de presse ait lieu. Mais soyons tous, désormais
prêts pour la prison !
Cotonou, le 22 septembre 2012,
Joseph DJOGBENOU
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