Le coton béninois contribue pour 60 à 70% aux recettes d’exportations du Bénin et emploie deux millions et demi de personnes. Le sous-secteur semblait déjà condamné à mort avec la baisse de production des années 2006 à 2010, mais depuis à peu près deux ans, l’or blanc retrouve une meilleure santé. Retour sur les facteurs de la nouvelle embellie du « coton made in Bénin ».
Le coton béninois connaît une nouvelle embellie. De 137 mille tonnes en 2010-2011, la production est passée à 175 mille tonnes au titre de la campagne 2011-2012. C’est la première fois depuis 2006 que la production enregistre une hausse d’une campagne à l’autre. Mathieu Adjovi, président de l’Association interprofessionnelle du coton (Aic) du Bénin témoigne : « depuis bientôt deux ans, le Bénin a excellé dans la production de coton haut de gamme et de fibre longue ». La production cotonnière béninoise n’est donc pas seulement en hausse. Elle est aussi presque en totalité de la meilleure qualité qui soit. Celle que préfèrent les filateurs, à en croire le patron des professionnels du coton. Nicaise Hounton, ingénieur textile et chef du département Filature de la Compagnie béninoise de textile (Cbt) confirme : « cette année, le taux d’impureté est très faible, il n’y a presque pas d’avarie, la fibre est plus résistante et sa la couleur blanche est plus éclatante ».
Il se vend bien
Le niveau de qualité atteint par le coton « product of Benin » est une première. Sur les deux critères d’appréciation de la qualité, les résultats obtenus sont flatteurs. Alidou Amadou Soulé, Chef service Classement à l’Aic livre les chiffres : « plus de 70% de la production est de la gamme de coton blanc brillant et plus de 95% de l’ensemble a une longueur de soie moyenne approchant les 29 millimètres ». Selon le rapport de l’Aic sur l’évolution de la qualité de la fibre de coton sur ces cinq dernières années, l’ensemble du coton de moyenne et haute gammes a atteint les 99% de la production au titre de la saison 2011-2012 ; quant à la bonne la bonne longueur de soie, la proportion est la même. Interrogé sur la réputation de ce coton sur la marché international, Curt Arbenz, négociant suisse et directeur Afrique de Paul Reinhart fait des éloges : « ça fait trois ans maintenant que la qualité du coton béninois s’améliore ; la fibre est de longueur constante et correspond à la moyenne et la haute gammes qui se vendent très bien ».
Nouvelles fermes semencières
Le bond qualitatif enregistré par le coton béninois ces derniers mois n’est pas anodin. Pour y arriver, il a fallu conjuguer au passé les graves dysfonctionnements qui ont miné la filière entre 2002 et 2008. Pour mémoire, la mauvaise gouvernance et le surendettement des organisations paysannes, les surconsommations et les bradages d’intrants créant l’accumulation des impayés aux producteurs avaient fini par engendrer la désaffection du monde paysan. Mathieu Adjovi présente la thérapie qui a guéri la filière : «pour inverser cette tendance, l’AIC, avec l’appui du Gouvernement, a opéré de profondes réformes dans le secteur cotonnier béninois, notamment la signature entre l’Etat et l’interprofession d’un accord-cadre pour une meilleure définition des rôles et responsabilités de chaque partie prenante, la création des Coopératives Villageoises de Producteurs de Coton, le recrutement et la formation par l’AIC de plusieurs centaines d’agents de diverses catégories pour renforcer l’encadrement des producteurs de coton, sous la houlette d’Agences Régionales, véritables structures déconcentrées de l’Aic, la revue de l’itinéraire technique, la création de nouvelles fermes semencières en vue d’accroître et d’améliorer la qualité des semences ». A ces réformes se sont ajoutées des mesures incitatives en faveur des producteurs au cours de la campagne 2011-2012. Au nombre de ces mesures, il y a le relèvement du prix d’achat du coton graine de 220 à 280 francs pour le premier choix et de 170 à 230 francs pour le deuxième choix, la baisse du prix de cession des engrais à 220 francs par kilo et des insecticides à 3000 francs grâce à une subvention publique d’environ 11 milliards de francs, la gratuité des deux premiers traitements au Tihan prise en charge par l’Aic pour une valeur de 1,8 milliards. Bani Gouda Bio Tourou, président du Comité consultatif national des producteurs de coton est reconnaissant : « tout ça nous a permis de passer de près de 182 mille hectares de terres emblavées à plus de 208 mille hectares».
Le défi de la quantité
Au sein de l’Aic, l’on parie sur le maintien du niveau de qualité retrouvé par le coton béninois. Le président de l’interprofession estime que la condition essentielle pour maintenir le cap est le respect de l’accord-cadre et la préservation des acquis. Mais pour les négociants, il reste à relever le défi de la quantité produite. « Les filateurs n’aiment pas mélanger du coton de plusieurs sources d’approvisionnement ; il est donc souhaitable que la production béninoise soit conséquente », explique Curt Arbenz. Espérant atteindre les 300 mille tonnes la saison prochaine, Mathieu Adjovi reste conscient d’une menace : les facteurs climatiques défavorables qui sont des aléas. A ce sujet, tous les protagonistes croisent les doigts.
Zoom sur l’AIC
Créée en 2002, l’association interprofessionnelle du coton (Aic) regroupe trois familles professionnelles : le Comité consultatif national des producteurs, le Conseil national des importateurs et distributeurs d’intrants du Bénin et le Conseil national des égreneurs de coton. Cadre de concertation entre les familles professionnelles membres, l’Aic permet aux différentes familles professionnelles de fédérer leurs énergies pour produire du coton. Son mandat est de gérer les fonctions critiques, à savoir, l’aide à la préparation des sols, l’appui à la fourniture des intrants, l’encadrement et les services dédiés tels que l’amélioration des pistes reliant les champs de production aux usines et aux marchés, le classement du coton entre autres. Il s’agit en réalité de tâches que chaque catégorie professionnelle ne peut prendre en charge par elle-même. L’association organise aussi l’arbitrage entre les différents acteurs, veille sur leurs intérêts et commande des expertises quand besoin est. Elle est organisée en une Assemblée générale des délégués par famille professionnelle, au nombre de 61, en un conseil d’administration de 23 membres, et en un bureau exécutif de 11 membres. Elle dispose d’un secrétariat permanent animé par son personnel salarié.
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