Une opinion d'Alaji Ahovi
En 2008 nous avions assisté aux crises alimentaires suivies de soulèvements de population dans plusieurs pays africains. Non seulement les prix des denrées alimentaires ne vont plus descendre au niveau d’avant 2008 mais la tendance est à la hausse. En Mars 2012 au ICE future le coton valait $90.78/lbs, en Déc. 2011 le coton était a $91.21/lbs et en Mars 2010 son prix était de $205.5/lbs. Durant la même période à titre de comparaison le sucre blanc est passé de $332.7/t à $652.4/t le thé est passe de $2.38/kg a $3.38/kg. La première remarque est la suivante depuis 2007 le prix des matières premières et surtout des (produits) agricoles a sérieusement augmenté les 5 dernières années et ironiquement pas celui du coton.
Deux facteurs majeurs expliquent cette hausse des prix des matières premières et agricoles : la montée en puissance de la classe moyenne en Chine et en Inde dont les besoins en viande et protéines animales augmentent plus vite que la capacité locale et les besoins toujours croissants de « l’élite consommatrice blanche et occidentale toujours dévoreuse de ressources naturelles ». (Source the Public Ledger www.agra-net.com)
Je précise que le wagon de l’Afrique est simplement accroché à une locomotive consommatrice dont le moteur ou le frein ne sont pas situés en Afrique mais en Asie et en Occident. Et dans le wagon africain il y a un minuscule passager le Bénin qui a décidé de continuer à offrir un produit dont il n’a ni le contrôle du prix ni celui du volume : le coton. Dans le wagon africain le coton constitue également le produit phare que le Mali et le Burkina proposent aux marchés extérieurs. Et réunis Bénin, Burkina, Mali ensemble offrent un volume inferieur aux volumes respectifs Chinois, Américain, Indien, Pakistanais. Et dans les autres pays non africains producteurs de coton, ce dernier représente dans la production agricole totale de ces pays un volume mineur et son poids dans leurs exportations moindre. Le coton est cultivé et transformé localement en produits finis qui sont vendus à l’étranger. Le coton brut n‘est que l’étape initiale de la chaine de valeur dans ces pays.
Le coton reste une source de devises pour les gouvernements respectifs qui ont dirigé le Bénin mais est-ce vraiment la source de devises la plus adaptée à nos besoins réels, à nos capacités réelles ?
Le coton nourricier
Commençons par le positif : Le coton rapporte chaque année environ $250 millions. Il occupe une bonne majorité des paysans et agriculteurs du Bénin depuis le Zou jusqu’au nord et surtout les cotonculteurs constituent une masse malléable et très utile pour l’élite politique. Le coton nourrit son homme et occupe la grande majorité des bras valides agricoles.
L’impact sur les hommes et l’environnement
Le coton nécessite pas mal de produits chimiques gentiment appelés intrants qui sont tous nocifs pour le cotonculteur et pour l’environnement. Les intrants rendent le « cotonculteur » économiquement dépendant. La totalité des intrants reste dans la terre et polluent les nappes phréatiques et les cours d’eaux. Ils tuent les oiseaux, animaux et beaucoup plus grave les abeilles et sans abeilles pas de pollinisation. La majorité des « cotonculteurs » étant illettrée ils ne se rendent même pas compte de la dangerosité des intrants. Et pour finir ces intrants se retrouvent dans nos plats. La culture du coton nécessite énormément d’eau et l’agriculture consomme plus d’eau que toutes les industries réunies. Et cette contrainte devra nous forcer à réfléchir à une agriculture plus intelligente moins consommatrice d’eau comme le font déjà Israël et plusieurs états indiens.
Le coton brut
Le coton rapporte environ $250 millions aux dirigeants béninois mais la majorité de ces devises proviennent du coton brut. Et sans aucune valeur ajoutée le brut nous rapporte certes $250 millions, que nous rapporterait ce même coton brut si le Benin le transformait en produit intermédiaire (coton nettoyé et préparé pour toute modification finale) sur place. Je ne parle pas encore de produit fini (habits, etc). Ensuite pour les besoins nationaux du produit intermédiaire nous passons au produit final pour le marché local. Ceci n’est pas une utopie, la Chine, l’Inde, le Pakistan, le Sri-lanka, la Tunisie, la Turquie tous le font avec des succès divers.
Le phagocytage des autres productions agricoles
L’énergie que fournit la population paysanne, les politiciens pour maintenir le coton à flot se fait au détriment des matières agricoles de subsistance et résultat nous vendons du coton brut pour $250millions et nous important du riz pour $70millions. L’importation duriz, l’exportation du coton et l’importation des intrants enrichissent un microcosme politico-affairiste. Ni les consommateurs béninois encore moins le cotonculteur ne sont gagnants. Le mythe voudrait que la vallée de l’Ouémé soit l’une des plus fertiles au monde mais le mythe a omis de préciser que cette même vallée importe une bonne partie de ses vivres du Nigéria.
Et tant que cette monoculture suicidaire continue non seulement notre politique agricole n’aura aucune logique par rapport aux besoins de la population béninoise mais elle ne sera pas en accord avec les besoins du monde extérieur.
Proposition indécente
Le Bénin devra réduire progressivement la part du coton dans nos exportations et devenir indépendant du coton. Cela ne veut pas dire éliminer le coton mais plutôt le produire de façon plus intelligente, plus saine et surtout lui ajouter de la valeur avant de le vendre. Cela passe au début par une vulgarisation véritable des informations liées au coton. Les béninois ont le droit de savoir ce que rapporte le coton, ce qui est fait de l’argent du coton et surtout qui sont les participants de la grande foire du coton béninois. Ensuite améliorer la qualité des intrants que l’élite fournit aux cotonculteurs car les produits de moindre qualité affecte le rendement des champs mais surtout ils mettent encore plus en danger l’environnement.
Le Bénin devra monter un échelon plus haut dans le coton en s’outillant pour sa transformation industrielle locale. En parallèle le Bénin programme l’introduction ou la réintroduction des autres cultures d’exportation qui peuvent équilibrer notre portefeuille de produits agricoles d’exportation. Le palmier à huile, le cocotier, l’anacarde, les fruits et légumes.
Nous sommes en 2012 et mêmes si des milliardaires béninois en CFA existent grâce a l’importation de volaille et de produits agricoles les politiques devront les encourager et les diriger vers une production locale et de qualité en leur offrant des exonérations fiscales et en les éduquant. Malheureusement réussir à produire de façon constante localement et suffisamment pour nourrir les béninois nécessite une grande rigueur et une solide connaissance que ne nécessitent pas l’importation du riz ou des poulets. L’importation est plus facile que la mise en place d’une chaine totale de production alimentaire.
La réforme foncière
Pour faciliter ce virage certains prérequis sont nécessaires : La réforme agraire et foncière doit être achevée. Au Bénin chacun devra savoir à qui appartient la terre (l’état, rentiers, fermiers, petits paysans etc.). Les limites des terre cultivables ou non ainsi que leurs propriétaires clairement identifiés. Il y a trop de zones d’ombres. La terre doit être méthodiquement recensée, immatriculée et classée avec un propriétaire légal.
Trop de bras valides pour une faible productivité
Notre agriculture utilise trop de mains valides et de façon inefficiente et sans sa modernisation nous finirons par importer mêmes le gari et la tomate. La modernisation de l’agriculture passe par l’élargissement de notre économie et son passage d’une petite économie de rente cotonnière à une économie beaucoup plus diversifiée capable d’absorber les anciens bras valides de l’agriculture primitive. Nous n’avions pas besoin de 50% des béninois dans les champs pour produire le coton et quelques vivres, moins de 10% de la population active serait capable avec les outils adéquats de produire et de nourrir le Benin et de faire de nous un net exportateur de produits agricoles. Les grands pays agraires le font avec moins de 5% de leurs populations actives.
Les infrastructures pour déplacer et conserver les produits agricoles
Il y a des régions au nord qui durant la saison pluvieuse sont totalement coupées du reste du Bénin et nos concitoyens vont faire la majorité de leurs activités au Nigeria. Nous n’avions pas les infrastructures pour les déplacer des zones de production souvent reculées vers la cote ou se concentre pratiquement 80% des consommateurs béninois. Pour une agriculture plus équilibrée il nous faut aussi des meilleures routes et un réseau ferré de qualité. La distance ne devra plus être un facteur limitant notre production et surtout la circulation des denrées agricoles. Les infrastructures nécessaires à une agriculture dynamique et intelligente ne se résument pas aux routes et aux chemins de fer mais également à une production énergétique et surtout électrique plus sérieuse et plus en adéquation avec les besoins de conservation et d’amélioration des produits agricoles.
La recherche agricole
Le quatrième prérequis est la nécessité de développer et de promouvoir la recherche scientifique et surtout appliquée dans le domaine agricole en créant des instituts spécialisés et en renforçant les budgets des instituts existants et surtout en s’assurant que le lien est renforce entre le monde agricole et le milieu industriel agroalimentaire et manufacturier.
La source de nos misères
Le plus important handicap qui empêche une vraie évolution agricole est l’aspect électoraliste qui handicape la mise en place des vraies réformes agraires.
(Source : www.miwablo.com le 7 avril 2012 à 7 H GMT+1, sous la plume d'Alaji Ahovi)
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